à la découverte du bronze (voir le film Yacouba le bronzier : https://youtu.be/21R42MdZYlI)

 Journée à la Cité des Arts avec Yacouba Gandema, artisan bronzier. Il a 27 ans, est « installé » depuis 5 ans mais a appris le métier avec son père, dès l’âge de   8 ans. Il est fort probable que son fils de 1 an soit bronzier à son tour.

 Il est plus artiste qu’artisan : la demande touristique est dans les statuettes représentant les scènes de travail (femme qui pile), de cérémonies (homme au djembé), de danses… Yacouba leur donne vie, il les personnalise.

 Au départ, un pain de cire d’abeille, réutilisable à l’envie. Je l’attendris au-dessus du réchaud et je me mets à modeler. Je suis arrivée avec une idée en tête. « Ya pas de problème » répètera mon guide tout au long de la journée, même quand selon moi, il y en a quand même un peu. Mais comme ici le temps est dans un autre métal que l’argent -et peut-être même pas en métal- même si on fait durer, ce n’est pas grave.

 Yacouba m’indique la bonne épaisseur. Il me montre comment étayer les pièces un peu fragiles : les étais seront sciés par la suite. Il faut rajouter une « poignée » qui servira quand on coulera le bronze. Ses doigts agiles et experts reprennent mon modelage acceptable pour en faire sculpture tout à fait présentable : la touche de l’artiste modeste qui me répète « mais non, c’est toi qui as tout fait ». Une autre fois peut-être… Un plouf dans un sceau pour refroidir la cire. Puis on enrobe la pièce d’une couche molle (3/4 argile-1/4 crottin d’âne). Le soleil est mis à contribution pour le séchage. Pendant ce temps, je vais boire un thé. Yacouba, lui, lime d'autres pièces.

 Quand la première couche est sèche, on en applique une seconde. Il faut laisser un trou qui permettra d’écouler la cire et de couler le métal. Pendant que ça sèche (merci le soleil), Yacouba prépare deux bûchers. Un petit en bois, à même le sol : on y déposera les pièces en terre sèches pour y faire fondre la cire qui sera récupérée dans une boite de conserve. Les pièces seront remises sur ce foyer réactivé, afin d’être bien chaudes pour recevoir le métal en fusion.

 Le second bûcher est animé dans un « four » : c’est un cylindre tronqué en terre de termitière, semi-enterré, avec en bas un orifice pour l’activation du feu. Le combustible est le charbon. Il est dit que le bronze fond à 1200°C. Donc il ne s’agit pas de laisser ronfler un petit feu des chaumières mais plutôt de reproduire les flammes de l’enfer. Pour cela, Yacouba envoie de l’air avec un système D que j’aurai du mal à décrire : voir photo. En tout cas, une jante de vélo (voilée hélas) tourne sur un axe avec une manivelle : sur la jante un « élastique », bande découpée dans une chambre à air, entraîne un cylindre relié à un tuyau. Et là je cale. 

 La chambre à air refusait de rester sur son axe. Tout autre, moi c’est sûr, se serait agacé : Yacouba a maintes fois remis le dispositif en place, a calé le tuyau avec des pierres, a redressé l’axe. Les flammes ont jailli du charbon, oranges, rouges et même vertes et les métaux ont fondu. Diabolique !

 Alors c’est quoi le bronze ? Un alliage du cuivre et de l'étain.

 Les pièces de métal sont rassemblées dans un creuset en terre, lui-même enfoui sous une bonne couche de charbon.

 Quand le bronzier suppose que le métal est fondu, il trifouille dans le creuset pour en retirer les éléments indésirables : quelques morceaux de fer, un bout de cuivre trop épais. Les pièces cire-terre sont retirées de leur bûcher, le trou en haut pour recevoir le sirop incandescent. Le bronze est coulé. On verse de l’eau pour refroidir. On boit un coup pour se rafraîchir : c’est qu’au voisinage de ces bûchers même l’air à 50°C du mois d’avril doit paraître frais.

 A moi de jouer : j’ai commencé le début, je commence la fin. Un marteau et je casse la couche de terre : ça me fait penser au poulet en croûte de sel. J’y vais un peu trop doucement à son goût. C’est que je ne sais pas que c’est déjà bien solide. C’est magique : sous l’amas terre et cendres on voit surgir une forme dorée… à prendre avec des pincettes, c’est encore fumant. Je fais promettre à Yacouba de ne pas y toucher d’ici la prochaine fois. Je tiens à assister aux finitions.

 Je ne saurai certainement pas refaire : c’est des années de pratique, un savoir-faire ancestral. Mais, les bronzes africains auront aujourd’hui dévoilé une partie de leur mystère. Et je suis bien heureuse, lecteurs et lectrices, de partager ça avec vous, presque en direct. Merci. Barka ! Poussa barka !

 Les finitions : gratter, limer, poncer, laver et éventuellement patiner. La patine permet d'obtenir des couleurs : vert cuivre, noir, rouille, marron. Mais ça, c'est un secret !